Dernier édito du Clou /
Après 14 saisons et 2 545 articles, le Clou dans la Planche pose définitivement ses plumes...
Carlos Gallegos est un artiste singulier. Un qui voyage beaucoup, et passe de temps à autre dans le coin, occupant nos scènes – ici, celle de l’espace Saint-Cyprien à l’occasion du Coup de Chapeau – de sa présence multiple, de ses soli gorgés d’humour et de tendresse, de violence dormante. Surface et profondeur. On se rappelle le coup de foudre pour Plush, il y a pffiou… tant d’années. Puis Carlos avait, justement, remporté ce festival du théâtre soliste avec Quartier Kaléidoscope.
Il revient avec un énième personnage, Patricio. Prénom qui a pour étymologie pater, le père.
Patricio vit seul avec une veste. De quoi l’épousseter, de quoi trinquer, et un petit pot de terre où pourrait bien pousser du vivant, à moins que n’y surgissent des souvenirs. Patricio vit enfermé dans son passé – sortir ? rejoindre le bruyant et joyeux monde extérieur ? Bof. Il est si simple de redonner vie aux disparus. N’est-ce d’ailleurs pas là le pouvoir du théâtre, de l’acteur, que de conjurer l’absence et de jouer tous les rôles d’une vie ? La mère, le père, l’enfant que l’on fut, tout est à disposition du théâtre, et que ressuscite le meilleur comme le pire.
Le travail de Carlos Gallegos est ancré dans le clown et le burlesque, du burlesque plus ou moins muet selon les créations, ici très bavard, linguistiquement très coloré, mélimélant des vocables identifiables à du grommelo. Un joyeux mâchouillage verbal qui déforme sa bobine, et qui rejoint d’extravagantes évolutions physiques ; du mime, de la composition théâtrale, un mélange très habité. Des traits artistiques connus chez d’autres mais qui, conjugués à sa personnalité de petit homme tout mouillé, font que l’on aime à le retrouver, une année par-ci, une année par là. On l’aime, même en dépit des imperfections de cette dernière création, qui mérite encore du travail. Côté jeu, tout est en place, mais c’est un « tout » qui déborde, que le comédien pourrait serrer, surtout dans les passages frénétiques où la lisibilité du mime se perd un peu. En vérité, on ne comprend pas tout ici. L’écriture aurait à clarifier l’enjeu de certaines minutes, à donner plus d’épaisseur à quelques passages – celui avec la mère, notamment. D’autres font mouche, les sourires du public basculent face à la violence en des pirouettes assez virtuoses – c’est ce qu’il sait faire, Carlos, toucher comme-ci, toucher comme-ça, nous emmêler le cœur. Cette qualité est encore en puissance dans ce dernier solo, mais on est très optimiste !
De et avec Carlos Gallegos
Mise en scène : Gonzalo Gonzalo
photo DR